Sénégal : hôtel ONOMO Dakar Airport, green business et innovation

Publié le par Thierry Téné

Dans le secteur hôtelier en Afrique, la prise en compte de l’écologie dans le business restait pour l’instant cantonnée aux initiatives d’éco-tourismes et d’éco-lodges réservées à une certaine élite. Ce n’est plus le cas depuis novembre 2010 à l’ouverture au Sénégal de l’hôtel ONOMO DAKAR AIRPORT qui a coûté 5 millions d’euros, créé 47 emplois directs et 100 indirects. Pour ces promoteurs, « ONOMO une marque africaine et faite pour l’Afrique est un produit métissé car il tire les avantages des matériaux et savoirs locaux avec les technologies du monde contemporain. » La recherche de cette harmonie se caractérise dans la dénomination car ONOMO signifie Dieu dans la mythologie Dogon. D’où l’attention particulière portée à l’aspect culturel. « Nous souhaitons offrir à nos clients le visage d’une Afrique qui bouge, créative car nous sommes persuadés qu’un enjeu important de la mondialisation se fera par le respect et la connaissance des autres cultures. Après l’écologie, l’aspect  culturel sera une problématique transversale du monde de demain. Mais cet aspect est encore sous évalué dans nos business model » précise Philippe COLLEU co-président du groupe donnant ainsi l’occasion a Christian MURE, également co-président d’évoquer la philosophie de l’entreprise « offrir sur tout le continent africain un réseau d’hôtels technologique, écologique et culturel à prix accessible ». Il faut débourser 44 000 Fcfa soit environ 65 euros pour une nuitée dans ce groupe hôtelier de 3 trois même si les promoteurs estiment qu’il est hors catégorie. L’innovation se situe à plusieurs niveaux. Pour l’environnement, la devise de l’architecte MIES VAN DERROHE « less is more » sert de boussole.

 

D’après Christian MURE, il s’agit  dune démarche écologique car ce n’est pas la peine de faire plus si on peut faire aussi bien avec moins. Dès l’origine, il faut prendre en compte l’aspect économique des produits écologiques. Le green business ce n’est pas dépenser plus, c’est investir mieux pour dépenser moins. Conclut-il. Et chez ONOMO, les initiatives ne manquent pas. Le site de Dakar est l’un des plus grands ouvrages construits en Brique de Terre Crue en Afrique de l’Ouest : 4000 m2 développés avec les BTC (Brique de Terre Crue) originaire du Sénégal et fournis par l’entreprise sénégalaise GE dirigé par M. Fall. Le process de fabrication peut-être résumé comme suit : La latérite est mélangée avec de l’eau et 6 à 7 % de ciment. Après moulage, compactage et séchage solaire, on obtient le BTC. Elle présente plusieurs avantages : qualité passive, très bon pour l’isolation thermique et phonique. Le BTC offre également une bonne qualité visuelle et ne nécessite pas de peinture car il est livré brut. On retrouve ce matériau écologique à l’intérieur de l’hôtel. Par contre dans chambres, il y a les produits contemporains (carrelage, ciment et verre) et l’écologie se limite à l’économie des matériaux. Par ailleurs les produits écologiques notamment les rideaux, tous les tissus d’ameublement et les meubles sont l’œuvre de la créatrice sénégalaise Aïssa Dione qui emploie 100 tisserands à Rufisque près de Dakar. Elle a maintenu en activités le dernier atelier de tissage manuel du Sénégal. Pour les meubles en bois, il y a des artisans qui font les meubles de Dakar comme la société Sénégal Bois qui fait les meubles du hall de l’hôtel. Cependant, le bois manque au Sénégal ONOMO a dont recours à d’autres matériaux comme le placage plus léger et le béton facilement accessibles sur place.

 

Dans les pays tropicaux, l’ensoleillement encourage un recours quasi spontanément à la climatisation pour rafraîchir les pièces. ONOMO mise sur les toits végétalisés qui serviront bientôt de brise soleil. Le recours aux végétaux ne s’arrête pas là car ils sont utilisés pour le traitement des eaux usées. Après décantation et filtrage, l’eau ainsi traitée sert pour l’arrosage du jardin. Un diagnostic énergétique est actuellement en cours pour le système d’éclairage de l’hôtel où on trouve tout type de lampes (classiques, basse consommation). L’ambition est de les remplacer progressivement par l’éclairage naturel quand c’est possible ainsi que les Leds plus économiques et écologiques. Pour le nettoyage des parties communes, l’entreprise n’utilise pas des produits chimiques mais ceux écologiques. Les produits d’accueil (savon, shampoing, gel douche, etc.) sont composés à base d’éléments naturels fabriqués à Thiès par une coopérative d’une soixantaine de femmes et fournis par le Dr Marie Diallo. Installée sur le toit, la production d’eau chaude à partir de l’énergie solaire permet entre 15 et 20 millions FCFA de gain par an sur l’eau chaude. Dans le cadre de sa stratégie de Responsabilité Sociétale, en plus des initiales écologiques et de développement local (recours aux entreprises et fournisseurs locaux), ONOMO apporte une attention particulière aux préoccupations sociales de ses salariés.

 

Pour Philippe COLLEU, « les équipes sont  jeunes, mais nous avons souhaité impliquer des « anciens » pour transmettre leur savoir-faire. Le chef cuisinier par exemple qui a passé l’âge de la retraite a pour mission de former et mettre en place une jeune chef, une femme sénégalaise. Cette approche est vraie aussi dans le domaine de la finance, du marketing et de la technique où nous nous appuyons sur l’expérience des anciens que nous connaissons pour former la nouvelle génération. Nous avons donné un travail à ces jeunes souvent bien formés intellectuellement, nous voulons leur offrir un métier. Pour la couverture sociale des salariés ayant un an de présence, nous avons décidé de contracter une police d’assurance sociale et de prévoyance auprès d’une compagnie d’assurance privée. Cette option permet au salarié de bénéficier d’une couverture beaucoup plus large que le minimum obligatoire loin d’être suffisant. Dans ce domaine nous n’avons pas innové, mais ce sont généralement les grands groupes qui ont recours à cette politique. Les PME ne le font pas en raison du coût important pour l’entreprise. Contrairement à beaucoup d’établissements hôteliers, nous n’avons pas fait appel à la sous-traitance pour des postes qui sont permanents dans un hôtel, comme celui de la sécurité. Nous nous sentons engagés vis à vis de nos collaborateurs et nous souhaitons qu’ils le soient avec nous. Enfin notre organisation  encourage également  la polyvalence ce qui favorise à terme l’employabilité du personnel. »

 

Certes, dans le cadre d’une démarche d’amélioration il y a encore beaucoup à faire mais les actions sociales et environnementales du groupe ONOMO sont à saluer. Quand on sait que l’ambition du groupe est la création dans les principales villes africaines d’un réseau d’une trentaine d’hôtels dans 5 ans, nul doute que l’ambition RSE sera encore plus forte. Les promoteurs Philippe COLLEU et Christian MURE s’y engagent « Nous n’avons pas la prétention d’avoir construit un hôtel 100% écologique, mais nous avons opté pour des solutions respectueuses de l’environnement. Nos prochains ONOMO apporteront d’autres innovations en fonction de l’évolution des techniques. Nous restons très à l’écoute. » Nous les suivrons donc de près.

 

NB : Article paru dans l’hebdomadaire économique Les Afriques N°154 du 24 au 30 mars 2011.  

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