L’Afrique : laboratoire des économies du futur

Publié le par Thierry Téné

«La seule chose que nous devons craindre, c'est la crainte elle-même.» c’est par cette phrase que Franklin ROOSEVELT remonte le moral d’une Amérique confrontée à la Grande Dépression. Comme en 1930, la crise actuelle a permis une remise en cause du système et contribuer au changement du regard sur l’Afrique. En matière d’aménagement du territoire, il est beaucoup plus difficile et coûteux d’apporter une modification à une infrastructure existante contrairement à une nouvelle construction. Face à ce constat, nous sommes donc convaincus que l’Afrique est la nouvelle frontière non seulement de l’économie mondiale mais aussi de la croissance verte car les faiblesses d’hier sont aujourd’hui des forces. Replacé dans le contexte africain, la phrase de l’ex-président américain peut se résumer en un seul mot : OSONS. C’est en tout cas le message que nous essayerons d’adresser aux investisseurs et gérants de capitaux pour les attirer sur le continent. En effet, en compagnie de M. Bernard Yvetot, vice-président de France Télécom, M. Hugo Ferreira, directeur de la Compagnie Benjamin de Rothschild et M. Guy Zounguere-Sokambi, Ambassadeur, «point focal» Afrique centrale à Bruxelles, nous intervenons dans l’atelier : l’Afrique : laboratoire des économies du futur lors du 8è EMA Invest  qui aura lieu le 21 et 22 octobre à Genève (voir programme ci-dessous).


Nous devons en effet, déconstruire nos imaginaires pour construire nos rêves. A part dans les contes de fées, il n’y a point de bonheur dans la misère. Le feu Président Houphoët BOIGNY avait raison d’affirmer qu’on ne partage pas la pauvreté. D’ailleurs les autres ne sont pas plus riches que l’Afrique, ils sont plus endettés. Si la Chine est aujourd’hui l’une des locomotives de la croissance mondiale, c’est grâce en partie à Deng XIAOPING. Après un séjour en 1979 aux Etats-Unis où il eut l’occasion de visiter le centre de la NASA, le siège de Boeing et celui de Coca-cola, de retour en Chine, il déclare au peuple « Enrichissez-vous ». C’est ainsi que le pays se lance à la reconquête économique avec un positionnement géostratégique en Afrique qui est décrié par les anciennes puissances coloniales. Pourtant la situation n’est pas nouvelle. Si le téléphone fixe ne s’est pas développé en Chine, c’est bien parce qu’en Occident, on craignait la raréfaction et la flambée des cours du cuivre. Aujourd’hui, de la Chine à l’Afrique, nombreux sont ceux qui ont directement eu accès à la téléphonie mobile sans jamais apercevoir un téléphone fixe. Ils seront probablement encore plus nombreux à effectuer les transactions financières grâce au M-banking sans l’ouverture d’un compte bancaire.

 

Nos agriculteurs utilisent déjà leurs téléphones pour suivre les cours sur les marchés, consulter la météo, négocier avec les partenaires, limiter les déplacements inutiles de marchandises et gérer les stocks. Le couple énergies renouvelables et Technologie de l’Information et de la Communication va probablement accélérer l’émergence du continent en apportant des réponses appropriées à nos éternels problèmes d’infrastructures. C’est d’ailleurs pour pallier à l’absence d’énergie en zone rurale que le premier téléphone solaire a été développé au Kenya. Même si elle est encore au stade pilote, la télémédecine permet déjà de diagnostiquer et de suivre les patients dans les zones les plus reculées tout en garantissant une meilleure qualité des soins et une réduction des coûts. Comme le Brésil, nous disposons des terres, du soleil et de l’eau. Ce qui permettrait la réalisation de la révolution verte. Là aussi les TICs joueront un rôle majeur. On peut aussi citer leur usage pour la gestion durable des forêts, le transport, l’industrialisation, les économies d’énergie et le développement des services. En l’absence de financements importants pour subventionner l’agriculture, le salut viendra de l’explosion de la demande grâce notamment à une classe moyenne solvable.

 

Comme le rappelle dans Le Figaro du 10 septembre Luc RIGOUZZO, Directeur Général de Proparco (filiale de l’AFD) « En 2040, sur le milliard et demi d’habitants que comptera l’Afrique Subsaharienne, il y aura 240 millions d’urbains au revenu moyen équivalent à 20 dollars par jour, soit un marché annuel de plus de 1 700 milliards de dollars ». Il faudra donc produire énormément de biens et services pour répondre à une telle demande. Or c’est la production de masse qui impacte le plus l’environnement, appauvrit la biodiversité et augmente les émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. Bilan carbone, plan climat, économie immatérielle, écologie industrielle et territoriale, économie de fonctionnalité, évaluation économique et compensation de la biodiversité, virtualisation et économie circulaire, il faut  tout expérimenter pour l’élaboration de différents modèles économiques qui permettront dans quelques années un découplage fondamentale entre la croissance économique et la consommation des matières premières. Sur le plan macroéconomique, faudra-t-il un capitalisme d’état ou un système hybride qui favorise les investissements gouvernementaux tout en stimulant l’émergence d’un secteur privé fort ? Cette deuxième solution, plus plausible, sera probablement marquée d’un ADN green indispensable à la mise en place des éco-activités.

 

Pour paraphraser Deng XIAOPING « Africains, enrichissons-nous grâce à la création de nombreuses éco-entreprises et start-up innovantes » et contrairement à la Chine, ce développement économique doit être intégré en amont les questions sociales et environnementales. La Responsabilité Sociétale des Entreprises est en passe de devenir un outil important de compétitivité aussi bien pour la conquête du marché national qu’international. Entre les matières premières, le gisement d’énergies fossiles, le potentiel d’énergies renouvelables, la disponibilité des terres arables, le bassin du Congo, la diaspora et le capital humain, tous les ingrédients sont réunis pour faire de l’Afrique le laboratoire des économies du futur. Arrêtons donc de nous considérer comme pauvre et valorisons l’image du continent. Comme le rappelle dans Le Temps, Michel Juvet Directeur de la recherche à la Banque Bordier "Les gouvernements devraient faire des tournées internationales pour aller vanter leur économie. L’image est cruciale. L’Afrique doit vanter ses forces, non ses faiblesses. Les concerts de charité, qui font la promotion de la pauvreté du continent, ne l’aident pas à se développer. Il faudrait des concerts de promotion économique!"

 

Il est important de se positionner sur le créneau de la croissance verte avant que la bulle n’éclate. Il y a urgence pour la conception et la mise en œuvre de stratégie ambitieuse de green economy. Alors O.S.O.N.S !!!

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M
<br /> L’Afrique a vraiment tout pour se développer : les ressources naturelles, les terres, le soleil, l’eau. Le développement ne viendra que par l’utilisation rationnelle et durable de ces ressources<br /> pour créer la croissance et les richesses bien réparties à l’africaine. Mais ce qui plombe le plus développement de l’Afrique, c’est le manque d’anticipation. L’Afrique n’anticipe en effet sur<br /> aucun domaine capable de booster le développement ; elle subit tout. Les autres continents ne sont pas plus riches que l’Afrique, loin de là, mais ils sont plus osés et plus créatifs. Pour arriver<br /> là où ils sont aujourd’hui, les chinois ont procédé à une révolution culturelle qui les a débarrassés de tous les complexes. L’Afrique a donc besoin d’une sorte de révolution culturelle à<br /> l’africaine, pour se déculpabiliser, se régénérer et réapprendre à être elle-même. On constate tous les jours que le sous-développement est d’abord mental. C’est un état d’esprit.<br /> <br /> Parler de l’Afrique comme un laboratoire des économies du futur est une idée alléchante, mais pourvu que ce laboratoire soit vraiment pour les africains. Le processus de sa construction devrait<br /> pour cela éviter de faire de l’Afrique un cobaye universel et permanent où on vient tout essayer sans rien y réaliser.<br /> <br /> Dans cet effort de développement, la révolution verte devrait en être une priorité, en cherchant à nourrir à leur faim tous le africains sans compter sur les programmes alimentaires mondiaux qui<br /> leur donnent simplement à certains moments des « miettes de poisson mais sans leur apprendre à pêcher ». Pour que l’Afrique cesse d’être un fournisseur tacite des matières premières aux autres qui<br /> s’enrichissent en l’appauvrissant, il faudrait établir partout et en tout, sur initiative des africains, des partenariats de type gagnant-gagnant qui participent visiblement aux efforts de<br /> développement de l’ensemble et non de quelques pontes chargés de les conduire.<br /> <br /> La gestion durable est dans la nature des africains. En Afrique, gaspiller un patrimoine sans penser à la progéniture est toujours mal vu. C’est pour cela que l’écodéveloppement semble être tout<br /> indiqué pour l’Afrique. Il faudrait simplement le mettre en place en évitant tout suivisme, car ce qui est bon pour l’occident et la Chine, n’est pas forcement bon pour l’Afrique.<br /> <br /> <br />
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