Avis de tempête sur la bourse de CO2 et les projets MDP

Publié le par Thierry Téné

On se remettait à peine de la fraude de la TVA sur les quotas de CO2, qui aurait permis aux trafiquants d’empocher 5 milliards d’euros selon Europol, et rebelote cette année. C’est le 26 janvier que le système européen d’échange de quotas était à nouveau fonctionnel après une suspension d’une semaine, décidée le 19 janvier. Aussi incroyable que cela puisse paraître, des pirates informatiques ont réussi à pénétrer les registres nationaux pour dérober 2 millions de tonnes de CO2. La revente immédiate sur le marché spot a permis aux malfrats d’obtenir un butin de 28 millions d’euros. Il a donc fallu dans l’urgence revoir les mesures de sécurité des systèmes informatiques, notamment pour quatorze pays européens qui ont été rappelés à l’ordre par Bruxelles. Ces vols sont intervenus dans cinq pays européen (Estonie, Pologne, Autriche, Grèce et Tchéquie). D’autres, comme l’Allemagne et la Roumanie, ont également subi des attaques. L’ampleur de la fraude a obligé Bluenext, qui est la principale place de marché de CO2 au comptant, à lancer, après consultation de ses 100 membres, l’opération « Safe Harbor » et d’arrêter temporairement le trading. Précisons toutefois que la fraude porte sur le marché spot, qui représente 20% des transactions. Le marché à terme, qui constitue 80% des échanges de carbone, a donc continué à fonctionner normalement.

 

Quotas payants dès 2013

 

Rappelons que dans la lutte contre le changement climatique, 12 000 entreprises européennes sont soumises aux quotas de CO2. C’est pour matérialiser la signature du Protocole de Kyoto que l’Union européenne a adopté la Directive 2003/87/CE, dont les principaux outils sont la mise en place d’un système d’échange de quotas d’émissions de CO2 et de plans nationaux d’affectation de quotas de CO2 dans les Etats membres. Le principe est simple : sélectionnée parmi les activités les plus polluantes, chaque entreprise reçoit un quota de CO2. A la fin de l’année, elle fait une déclaration sur ses émissions de carbone. Si elles sont supérieures à la quantité allouée, elle doit acheter la différence sur le marché du carbone. Si l’entreprise a été vertueuse et n’a pas atteint son seuil, elle peut en revendre. Octroyés gratuitement jusqu’en 2012, ces quotas deviendront payants à partir de 2013.

 

Comme un malheur ne vient jamais seul, la Commission européenne a dû également sévir pour réguler les quotas de CO2 issus du Mécanisme de développement propre. Il s’agit des crédits carbone liés au HFC-23 et au N2O. Concrètement, les entreprises européennes qui rachetaient ces crédits carbone aux usines chinoises et indiennes pour compenser leurs émissions ne pourront plus le faire à partir de 2013. Là aussi, il y a eu un trafic. Les industriels chinois grossissaient volontairement et frauduleusement leurs émissions de HFC-23 et au N2O avant de les revendre dans le cadre du mécanisme onusien après un simulacre de réduction de ces polluants. La décision de Bruxelles intervient alors que celle du comité exécutif du Protocole de Kyoto n’a pas encore eu lieu. Cette réaction de Commission européenne démontre l’ampleur que prendra le business du carbone dans quelques années. En 2013, en plus de la non-gratuité des quotas pour les industriels, le marché européen du carbone sera unifié et géré directement par Bruxelles. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Il était donc urgent d’y mettre un peu d’ordre.

 

Thierry Téné

 

Chronique parue dans l’hebdomadaire économique Les Afriques N°147 du 3 au 9 février 2011

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